Terreur blanche # Free

Son cœur battait comme un tambour de guerre. Sa respiration avait des allures de vieil aspirateur. Elle n’osa crier, n’osa parler. Elle tournait juste en rond depuis des heures et s’écorchait entre les fouets sournois des branches. Madeleine ignorait où elle se trouvait. Tout semblait se ressembler et rien ne semblait pareil. Et elle cherchait sans répit la grotte d’où elle était venue. Où était Londres ? Où sont passés les maisons ? Les anglais ? Le nuage toxique de pollution ? Le brouhaha heureux de la ville ? Elle continua longtemps de courir à travers la forêt, les larmes lui montant aux yeux et des picotements au nez. Maddy avait de la terre sur le jean et dans les cheveux. Son angoisse l'avait tant réchauffée qu'elle avait finit par enrouler sa chemise a carreau autour de son large t-shirt.

La peur fatigue. Elle fatigue vite. Et au bout d’une heure, elle s’arrêta. Regarda autour d’elle et constata qu’effectivement, elle ne reconnait rien. Rien. Elle était bloquée, lui semblait-il, dans cet environnement forestier. Elle pensa alors fort à sa mère, à son père, à ses amis. Elle s’effondra sur le sol, a genou, elle se mit à prier. A prier tous les dieux de la forêt, à implorer les dryades et les nymphes et à supplier l’aide providentielle d’un miracle. Mais lorsqu’au bout d’un quart d’heure de ferventes psalmodies, le silence ne fut que sa seule réponse, elle enfonça les le visage dans ses mains et se mit à sangloter. La peur l’avait paralysé et brouillait tous ses sens. Elle ne s’était pas rendu compte qu’elle n’était à présent plus tout à fait seule…

Selena était à Neverland depuis pas mal de temps à présent. Elle connaissait principalement la jungle, celle-la même dans laquelle elle se sentait en sécurité. Elle y avait établi sa cabane, cachée de tous et peu accessible à moins de connaitre parfaitement le coin et d'être totalement accepté par la flore qu'elle y avait élevée. La rivière semblait pour certains le meilleur moyen de parvenir jusqu'à elle mais la encore c'était parfois compliqué. Il fallait faire attention, ne pas sombrer dans la peur ou la folie car oui, les alentours de la cabane avaient quelque chose de ... malsain, glauque, presque gore. Le vaudou n'était pas la forme de magie la plus appréciée et entre tripes séchant à côté de la porte et animaux étranges rôdant aux alentours les autres habitants de l'île évitaient plus que possible de venir ennuyer la demoiselle. D'apparence elle semblait tout ce qu'il y a de plus normal. Elle avait de longs cheveux blonds tombant en cascade sur ses épaules, de grands yeux et une peau pâle. Certains l'auraient qualifié d'ange mais ils étaient loin de la réalité. Selena était loin d'être l'agneau inoffensif.

Ce jour la, tandis qu'elle cueillait des plantes dans un coin de la jungle elle entendit une voix étrangère. Elle s'approcha, observant avec une certaine réserve la personne qui se trouvait la. C'était une fille. Pas encore totalement un femme mais pas une enfant pour autant. Elle devait avoir 17, 18 peut-être 19 ans. Des cheveux roux, presque rouges, bouclés. Une tignasse indomptable sans doute. Elle se mit à sangloter, le visage entre les mains. Ce devait être une nouvelle arrivante sur l'île. Selena s'approcha alors d'elle, doucement sans faire de bruit. Elle l'observa, rien de plus. Elle se demandait ce qu'elle pouvait bien faire la, seule au milieu de la jungle.

Ses tripes s’entremêlaient d’une drôle de sensation. Plus que la peur. Plus que la détresse. Une sorte de désespoir profond qu’elle n’arrivait à sonder. Une mélancolie terrible, une haine tenace et menaçante. Le visage baigné par la lumière de ses cheveux, elle ne fit qu’entendre un murmure sinistre et perfide lui souffler à l’oreille. Elle sut qu’on approchait d’elle. Mais peu rassurée et sachant pertinemment qu’on la découvrait fondu en larme, elle se calma et redressa la tête. D’un revers de manche, elle sécha son visage et pu constater que son maquillage coulait sur tout son visage. Horreur ! Elle tenta de réarranger le coup du bout des doigts mais le mal était fait. Sans miroir, impossible de rendre la chose moins visible.

Elle tourna subtilement la tête et remarqua cette silhouette sombre sur le côté. Elle aurait dit une vieille dame ou une fille à l’allure sombre. Elle renifla un grand coup et aspira le maximum d’air dans ses poumons avant de faire semblant de découvrir celle qui n’était pas décidé à s’annoncer à elle.
Et sa surprise la laissa interdite quelques secondes. Il ne s’agissait ni d’une fille aux allures sombres, ni d’une vieille dame. Tout au contraire, elle se laissa même un peu de temps pour admirer le visage séraphin de la jeune fille. Ses cheveux étaient magnifiques. Ses yeux trahissaient une certaine érudition et sa posture parlait un nombre langage. Elle ne ressemblait cependant pas à une Londonienne.

Madeleine tenta un sourire discret. Pas convaincue, cependant des intentions de la fille.

« ’Scuse-moi… Je. Est-ce que tu saurais aller à St-Enoch Street, s’il te plait ? Je me suis un peu perdu, je crois… Ria-t-elle sans conviction. »

Mal à l’aise, alourdie par une drôle de sensation, elle croisait les bras contre son ventre.

La fille lui faisait face à présent. Elle semblait essayer de garder une certaine constance devant elle malgré les traces de maquillage encore visible sur sur visage. Elle lui demanda si elle savait où trouver St Enoch Street et admis s'être perdue. Pour être perdue elle l'était fameusement! Selena esquissa un petit sourire amical avant de prendre la parole.

- Je suis désoler, je ne connais pas cet endroit.

Elle ne savait pas où se trouvait cette rue mais la voix de la fille n'avait rien d'américain ainsi, vu le nom elle se doutait qu'il s'agissait d'une rue anglaise. La demoiselle n'avait pas l'air de comprendre où elle avait atterrit. C'était compréhensible. Selena, lorsqu'elle s'était réveillée ici, avait élaborée plein de théories étranges sur sa présence la. Tout d'abord elle s'était crut dans un rêve mais étant donné que les jours passaient et que rien ne se passait elle avait abandonné l'idée. Elle s'était ensuite crut dans un jeu télévisé ou une émission de télé réalité comme dans ce film, Truman show mais elle avait eut beau inspecter les alentours elle n'avait découvert aucune caméra.

- Moi c'est Selena Salmander et tu ne vas sans doute pas me croire mais cette île c'est le Pays Imaginaire.

Elle ne savait pas vraiment comment on atterrissait ici ni qui pouvait y atterrir. Tout ce qu'elle savait c'était qu'elle n'avait pas encore trouvé de moyen d'en sortir.

Madeleine haussa un sourcil et toisa de haut en bas son hilarante rencontre. Incrédule et pensant déceler dans sa phrase – pourtant qui lui paraissait sonner d’une parfaite sincérité – une quelconque moquerie de son ignorance. Venait-elle se repaitre du spectacle de l’adolescente perdue ? Ou bien était-ce un bizutage pour tous les touristes en vadrouille ? Qu’importe, la petite rouquemoute, impossible à convaincre avec une telle énormité – et Dieu sait qu’elle aimerait y croire – se contenta de faire disparaitre tout sourire de son visage.

Elle hésita. Elle aurait voulu, pour l’arrogance et le méprise sarcastique de cette peste décolorée, lui en retourner une dans les dents et s’en aller sans se retourner, tel un prince. Malheureusement, Madeleine était dans une situation qui ne lui permettait aucun reproche et se faire aimer de quelqu’un du coin lui semblait être la meilleure option. Il y a quelques années, ce genre de réflexion n’aurait même pas effleuré l’esprit de la petite punk qui ce serait prise d’une rage folle. Elle pinça ses lèvres, tenta un sourire peu convaincant et s’essaya à la dérision en riant gentiment. Et très faussement.

« Je n’aime pas beaucoup qu’on se moque de moi, tenta-t-elle en espérant que son interlocutrice ait un peu de pitié pour sa personne. »

Elle se gratta la tête et regarda autour d’elle.

« Non, sérieusement, comment on rejoint la ville d’ici ? J’suis passé par une sorte de passage dérobé, sous la statue de Peter Pan. Tu sais… La grande place, là… Mais franchement, j’arrive pas à m’y retrouver. On est où, réellement ? »

Elle sortit son téléphone. L’heure indiquait 12h23. L’heure exacte par laquelle elle était entrée dans le tunnel. Pourtant, des heures étaient passées entre temps. Son téléphone, songea-t-elle, devait s’être déréglé. Et l’icône « Aucun réseau » confirma ses doutes. Elle rangea l’appareil dans sa poche.

« D’ailleurs, quelle heure il est, s’il te plait ? »

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