Wren Matthews est née dans la ville de San Jose, dans le Colorado. Fille unique, elle reçu tout l’amour que peuvent donner des parents à leur enfant. Environ trois ans plus tard, sa mère et son père décidèrent de quitter les Etats-Unis pour rejoindre l’Angleterre, leur pays natal. Quand sa mère prit la tête d’une bibliothèque dans le centre-ville et qu’elle fut en âge de lire, Wren se jeta à travers les divers rayons pour ouvrir et dévorer chaque livre qui tombait entre ses petites mains. La jeune Matthews ne quittait le bâtiment que très tard le soir, à la fermeture pour le plus grand plaisir de sa maman. Un soir, alors qu'elle se promenait dans ce lieu devenu familier, Wren découvrit le vieux manuscrit de Peter Pan, un héros dont elle avait vaguement entendu parler du haut de ses dix ans. Elle qui avait toujours préféré les princesses Disney, jamais elle ne s’était intéressée aux autres contes existants. Pourtant, au fil des mots, Wren tomba littéralement amoureuse de ce garçon qui ne voulait pas grandir. Étrangement, elle avait l’impression de déjà-vu ; d’avoir réellement vécu auprès de lui, le temps d’une aventure. La brune ouvrit le livre une deuxième fois, puis une troisième. Peter Pan était ancré en elle, il était devenu son héros, celui qu’elle se mit désespérément à attendre durant des nuits entières, assise à la fenêtre de sa chambre d’enfant.

Comme tous les enfants, Wren grandit. Le divorce de ses parents lui fit l’effet d’une claque. Elle se renferma un peu plus sur elle-même, et se contenta de jeter un regard noir au juge qui lui demanda chez qui elle préférait vivre. Cependant, son père céda la garde à sa mère qui laissa tomber la bibliothèque et traîna de nouveau sa fille à New York, aux Etats-Unis. Deux ans plus tard, Wren perdit toute trace de son paternel. Elle en fut bien évidemment très touchée, tellement qu’elle se renferma sur elle-même durant de nombreux mois. Peter Pan lui fut d’un grand secours. Elle était peut-être considérée comme trop grande pour croire aux contes de fées mais elle n’avait jamais laissé personne lui ôter son âme et ses rêves de petite fille.
Sa mère se remaria avec un homme qui prétendait avoir tout vu, et tout connu. Wren ne fit aucun effort pour s’entendre avec lui. Leurs rapports étaient froids, et pas toujours polis pour le grand malheur de leur lien commun. « Ce genre de fantaisies ne sont plus de ton âge, Wren. » se moquait-il et elle répondait courtoisement : « Je t’emmerde. »

« Maman, je suis enceinte. » Wren brandit son test de grossesse devant sa mère, les larmes aux yeux. Agée d’à peine vingt ans, elle n’était pas prête à avoir un enfant. « Est-ce que tu en es certaine ? » Elle acquiesça, sous le choc. Le père, il était parti. Pour ses études, il avait dû déménager dans un autre Etat, totalement à l’opposé.  Il avait refusé de vivre une relation à distance. Le cœur de Wren s’était silencieusement déchiré en mille morceaux. Il avait été son premier amour, celui à qui elle avait tout donné. Et il l'avait quitté sans un seul regard en arrière.
Durant sa grossesse, Wren se mit à douter. Sa mère la soutenait, son beau-père faisait semblant, mais elle ne pouvait s'empêcher de se demander si la bonne décision avait été prise. Ce sera le plus beau jour de ta vie, tu verras. Wren n'y croyait pas. Cet enfant lui arrachait sa jeunesse, et toute perspective d'avenir.
Seulement, neuf mois plus tard, quand on lui tendit ce petit être qui avait grandit en elle, Wren pleura de joie. C'était sa fille, son trésor, la chair de sa chair. Emilia -un dérivé du prénom de sa mère-, qui, autrefois semblait être un fardeau lourd à porter, venait d'illuminer sa vie.

Il était tard, ce soir-là, et Wren rentrait du travail, sereine. Presque dix ans avaient passé et Emilia était devenu une magnifique petite fille. Elle en était fière et l’avait élevée seule, avec l’aide de sa propre mère au début. Côté cœur, le vide complet. Pourtant, Wren Matthews, tout juste trente ans, s’en contentait.  
Des gémissements étranges la firent soudainement sursauter. Ils venaient d’une allée sombre et déserte. Inquiète, la jeune femme s’y aventura et découvrit, grâce à la lumière de son téléphone portable, une vieille dame allongée sur le sol, une main sur son ventre. Son premier réflexe fut d'appeler les urgences avant de se pencher sur l'inconnue et tenter de l'aider. Seulement, la vieille dame posa deux doigts sur le poignet de Wren et murmura : « Un corps, deux âmes. » Ses doigts commençaient à tracer le signe infini, en boucle. « Tu ne sais pas qui tu es. Tu ne le sais pas. » Wren fronça les sourcils et posa sa main libre sur le front brûlant de l'inconnue.« Avez-vous mal quelque part ? » « Petit oiseau blanc, tu dois revivre. » continuait-elle de murmurer. « Le joueur de flûte te surveille et t'attends. Le chemin peut être retracé, le temps peut être ramené. » La jeune Matthews se tenait là, immobile, incapable de dire ou de faire quoi que ce soit. Elle délire, sûrement à cause de la fièvre. tenta-t-elle de se rassurer. « Les secours vont... vont arriver, madame, tout va bien aller... » Celle-ci s'arrêta subitement avant d'appuyer son pouce sur le poignet de Wren. « Ton destin est scellé, Darling. » Un voile noir passa devant les yeux de Wren, l'aveuglant temporairement. Quand le peu de lumière revint, elle était à présent seule dans l'avenue.

Le lendemain matin, Wren se pinça une trentaine de fois avant de réaliser qu'elle n'était plus dans un rêve. « Mais… » Face à elle, se tenait une jeune fille d’environ seize ans. Les mêmes yeux, les mêmes cheveux, la même corpulence. C’était son reflet dans le miroir. Mais Wren Matthews avait rajeuni de quinze ans. Rajeunie. De quinze ans. C’était tout à fait improbable, impossible. Elle ferma les yeux une dizaine de secondes, et serra les paupières tellement fort qu’un voile rouge surgit. Le temps peut être ramené. Wren jeta un nouveau regard sur son reflet qui n’avait pas changé. Seulement, elle manqua de s’évanouir quand le miroir se fissura. Qu'est-ce que c'est que ce bordel ?

Une seconde chance.

Aujourd’hui, Wren vit avec son père et sa fille, à Londres, qu'elle fait respectivement passer pour son tuteur et sa petite soeur. Elle fut surprise devant l'apparence inchangée de son paternel. Un seul regard leur permit à tous les deux de se comprendre. Il y avait tant de choses à expliquer.