Mon histoire a commencé dans un lac gelé. Du moins, celle dont je me souviens. Mais puisque tu dois être curieux à propos de ce qui s'est passé (tout comme moi, d'ailleurs), je vais tu laisser aller faire un tour dans ma petite tête. Tu es prêt? Non? Bah tant pis, c'est parti! ... Tout a commencé avec une famille heureuse. Leur maison était plutôt élémentaire, entourée d'une forêt immense. Non loin, on pouvait voir les feux des torches allumées du village tout aussi tranquille. C'était d'ailleurs une époque tranquille. Tout ce dont la petite famille devait se méfier, c'était des bêtes sauvages qui rôdaient parfois, mais qui ne se risquaient jamais à attaquer les humains. Enfin bref. La femme était en train de surveiller la petite fille en train de manger, tandis qu'un jeune homme dans vingtaine, chaudement habillé, entrait dans la maisonnette, les bras chargés de bûches, laissant une traînée de neige fondante derrière lui. À la table, un homme aux cheveux grisonnants lisait. « Jack, tu as encore laissé une traînée de neige derrière toi ... » Le jeune homme adressa un sourire désolé à sa mère et laissa tomber les bûches à côté de la cheminée. La gamine s'agita soudainement. « Veux aller dehors! Sur le lac! Jack, on va dehors! » Il n'en fallait pas plus pour que Jack se précipite vers le coffre de la famille et en sorte une pair de patins à glace. « Allons-y! » Sous le regard inquiet de sa mère et celui découragé de son père, le jeune homme aida sa petite soeur à s'habiller chaudement et rapidement, les deux complices se retrouvèrent à l'extérieur. Leurs parents n'avaient pas trop rechigné, ils faisaient amplement confiance en leur fils aîné. « Il serait temps qu'il fonde une famille ... » Jack avait parfaitement entendu, mais décida de ne pas démarrer cette conversation qui ne menait jamais rien. Son père ne comprenait pas. Une famille, ça voulait dire des responsabilités. Et il n'en voulait pas. Tout ce qui lui importait, c'était sa petite sœur. En moins de deux, cette dernière se retrouva sur le lac, patins aux pieds. « Regarde Jack! Je tourne! » Le garçon rigola, attendri, puis rejoignit sa petite soeur pour la faire tournoyer encore plus, l'envoyant près du centre du lac. « Yoooouuuyooooouuuuyoooooooouuuu! »
Soudain, un craquement se fit entendre. Aussitôt, tous les sens de Jack furent en alerte et il se crispa. Ce lac était sûr, d'habitude. Peut-être était-ce son imagination? Un deuxième craquement infirma sa théorie. « Maya, reviens ici! » Mais la gamine ne l'écoutait plus, fascinée par la neige qui commençait à tomber. Ce n'est que lorsque son patin s'enfonça un peu dans la glace qu'elle se tourna vers son grand frère, terrifiée. « Jack! » « Ne bouge pas! » Cette fois, Maya écouta et figea. Jack enleva précipitamment son manteau pour enlever du poids et trouva une longue branche posée non loin. « Ne t'inquiète pas Maya, j'arrive! » Il s'efforça de sourire pour la rassurer. Lentement, il s'engagea sur la glace, s'efforçant de faire des pas de souris. Le froid lui mordait la peau, mais la glace ne semblait pas vouloir céder sous lui, ce qui l'encouragea. À un mètre de sa petite soeur, il lui tendit le bâton, lui intimant de s’agripper. Lorsqu'elle le tint fermement, le jeune homme rassembla toute ses forces et tira d'un coup sec, la faisant glisser plus loin, près de la rive. Un terrible craquement survint alors et Jack ne ressentit plus aucune résistance sous lui. Le plongeon fut brutal mais il ne put ressortir, se heurtant à de la glace. La panique l'envahissait, alors que la perte de sensation s'étendit dans tous ses membres. Incapable de bouger ses jambes, il coula, sombrant dans l'inconscience. On ne retrouva jamais son corps, même si de nombreuses recherches furent menées. C'est lorsque tout le monde abandonna douloureusement l'idée qu'il eut survécu que la glace se fendit soudainement, et qu'une main aussi pâle que la mort en jaillit. Ah! Vous êtes revenus! Alors, qu'avez-vous vu? ... C'est une blague ... Vous ne vous en souvenu plus? Ça m'avance à quoi, maintenant? Bon, autant vous racontez ce dont je me souviens. Je me suis réveillé sous l'eau, et, bien sûr, j'ai paniqué. Lorsque j'ai voulu essayer de briser la glace, celle-ci s'est fendue sous mes doigts comme si ce n'était que des brindilles. En un clin d'oeil, j'étais hors de l'eau ... ou plutôt en lévitation au dessus d'un lac. Je ne savais aucunement où j'étais, ou qui j'étais, n'ayant que la faible impression que mon nom était Jack. Jack qui? Aucune idée. Ma peau était froide, mais ce n'était pas désagréable. C'était même réconfortant. Après avoir saisi le truc et redescendu les deux pieds sur terre, j'ai marché, cherché mon chemin. Pas facile quand on ne sait pas où nous sommes! Rapidement, j'ai trouvé un village. Je me suis cru très chanceux ... jusqu'à ce que je demande de l'aide. J'avais beau hurlé, personne ne me regardait, ne m'entendait. J'étais invisible. Ou plutôt inexistant. Assez perturbant. J'ai marché et volé pendant longtemps, m'arrêtant à tous les villages qui étaient sur mon chemin. Partout, c'était pareil. Personne ne me voyait. Ça m'a foutu en rogne. À un moment donné, j'en ai vraiment eu ma claque et, soudainement, une tempête de neige pas très commode s'est levée. C'était plutôt violent. Je me rappelle de chevaux apeurés et de gros dégâts. Ça m'a effrayé, surtout lorsque j'ai compris que c'était moi qui faisais cela. Je suis donc parti aussi loin possible. Et c'est ainsi que j'ai vécu une majeure partie de ma vie.
Souvent, je m'amusais aux dépends des autres. Je faisais tomber la neige, je gelais les routes. Je faisais comme je le pouvais, avec les moyens que j'avais. Je me suis aussi rendu compte que, peu importe le temps qui passait, je restais toujours le même. Au début, c'était plutôt cool. Puis lorsque les gens que je « côtoyais » (ou plutôt enquiquinais) sont tous morts, j'ai trouvé cela moins charmant. Combien de temps j'allais rester ainsi? L'éternité? Cette pensée me mit dans une colère noire et la frustration montait jour après jour. Je pensais toucher le fond lorsque, soudainement, une petite voix m'interpella. « Monsieur, vous êtes tout blanc » J'étais assis sur le capot d'une voiture, à m'amuser à faire des formes sur els vitres avec de la givre. Cette voix venait d'un jeune garçon, qui me regardait avec de grands yeux. Ça m'a stupéfait. J'ai tout de suite pensé que cette malédiction était finie ... mais non. On aurait dit que seul ce gamin pouvait me voir. Tant pis! Les jours qui suivirent, je m'en fis un copain. Il me semblait familier, comme si j'avais déjà été dans cette situation. Je fis tomber la neige pour créer des bonhommes de neige, même si on n'était pas en hiver, créais une patinoire, des glissages. Je devais avouer que c'était les meilleurs jours de toute ma longue vie ... jusqu'à ce que cela dérape. Faut dire qu'un gamin jouant avec un être invisible dans la neige alors que le soleil tapait sur les têtes, ce n'était pas normal. Cela attira les curieux, et les moins curieux. Le gamin ne sut donner une explication valable et lorsqu'ils l'amenèrent, ça me donna envie de hurler. Mon contrôle s'échappa et rapidement, ce fut presque l'apocalypse. Dans la foulée, je blessai sans le vouloir ce fameux gamin qui me faisait sentir vivant. Tout stoppa net lorsque je m'en rendis compte et je pris la fuite. Que pouvais-je faire d'autre? Je ne sais pas combien de temps j'ai volé dans le ciel, longtemps j'imagine, car c'est épuisé que je chutai brusquement. J’atterris tout aussi brutalement dans un tas de sable, qui gela à mon contact. Confus, je me relevai, essuyant le sable qui s'était incrusté dans mes vêtements, puis je regardai aux alentours. A priori, c'était une île. Une île bien étrange, que je n'avais jamais vu jusqu'ici. Et faut dire que j'en avais fait du chemin, en 800 ans! |